Je ne sais pas pourquoi j'ai commencé...un soir, au lieu de faire mes devoirs, j'étais sur Internet, en train de chercher un moyen de me divertir, de me faire oublier...le but semble souvent d'oublier la vie, d'oublier les problèmes qui remplissent mes poumons d'un air lourd de remords, qui donnent un goût âcre aux couleurs...
Ce soir là, j'étais sur Craigslist, dans la partie des sections amoureuses. C'était hilarant, de lire les notices de gens désespérés, de gens perdus, de gens comme moi. J'ai écrit ma propre annonce de recherche d'un chum ou juste d'un ami...ni trop syrupeux, ni trop bref, mais surtout très honnête. Je crois que c'est ça qui a attiré toutes ces réponses, c'était le ton honnête de mon annonce. Ils reconnaissaient que j'avais un côté drôle, mais aussi un côté perdu, une partie de moi qui ne sait plus quoi faire avec mes pensées noires et folles...
En 4 heures j'ai reçue plus de 70 messages, et en une semaine, plus de 400. Ça m'a fait tout bizarre, de savoir que je n'avais de valeur que si je ne montrais pas mon visage. Je m'étais décrite exactement en personnalité, je n'avais rien changé, et je ne sais pourquoi mais des gens, des hommes bon sang, ont su voir quelque chose en moi. Mais avec mon visage de tous les jours, j'arrive à peine à allumer une alumette, aller voir un garçon, et encore moins ceux qui m'intéressent.
Les réponses que j'ai reçue variaient: ça allait de l'ennuyeux au commun, du fou furieux à l'obscène. Un véritable arc-en-ciel de messages, de poèmes, de demandes de rencontre dans un Starbucks... Je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir une sorte de pouvoir contre ces pauvres malheureux qui tentaient tant bien que mal d'obtenir une réponse, des mots doux, une consolation du fait que d'avoir répondu à mon message n'était pas complètement fou. Moi, je tirais satisfaction de me savoir pas nécessairement laide, mais pas particulièrement belle...mais au moins pour quelques instants, je me sentais avec le volant dans les mains, je pouvais continuer ou tuer une relation comme bon me semblait, de manière cruelle et arbitraire.
Au fur et à mesure, j'arrêtais de répondre à toutes les réponses; je faisais du triage. Puis, je ne répondais qu'à mes préférés, ceux qui semblaient relativement stables quoi. Et puis, finalement je n'ai gardé contact qu'avec un seul, un dénommé Daniel. 22 ans. Intéressant. Aime la literature et le cinéma. Il me demanda si on pouvais se rencontrer.
Je n'ai pas dit oui. Je n'ai pas dit non, non plus. J'ai tout simplement...éliminer la fausse adresse email que j'avais créé pour l'occasion. La blague avait duré trop longtemps et plus personne ne riait. Je ne riais plus. Je ne voulais plus être l'objet du fantasme éphémère de quelques hommes répandus dans ma ville. Ma vie n'est pas un film, et je n'allais ni épouser ce Daniel, encore moins le rencontrer. Peut-être que j'avais peur de la possibilité que quelque chose de vrai pouvais exister entre 2 écrans d'ordinateurs et quelques messages qui avaient plus l'allure de lettres. Mais pourquoi prendre de chances? Pourquoi attendre que ce pauvre Daniel me rencontre en face et voit mon véritable visage?
Ce soir, j'ai déconnecté ce compte email, et je ne pourrais plus revivre ces supposés "conquêtes".
Je ne sais pas encore si je vais le regretter chèrement.